Entretien avec l'athlète Célia Dupré
Mercredi 31 juillet, l’athlète de la commune a représenté la Suisse lors de la finale d’aviron quatre de couple féminin aux Jeux Olympiques de Paris. Lors de la Nuit du sport genevois 2024, elle a remporté le prix de la sportive de l'année.
Née aux Etats-Unis en 2001 de parents franco-américains, Célia Dupré est arrivée en Suisse en 2014. Grâce à sa maman, elle a découvert l’aviron à l’âge de 11 ans et a rejoint l’équipe nationale suisse d’aviron en 2018. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en 2022, elle commence des études en Human Biology à l’Université de Stanford, tout en poursuivant sa carrière avec l’équipe suisse. Elle reçoit deux années consécutives les Honneurs sportifs de Plan-les-Ouates.
Dans le cadre du no64 du magazine Ouverture, le Service des sports (SDS) a interviewé l'athlète qui s'est livrée sur son expérience. Découvrez l'intégralité de cet entretien ci-dessous:
Nous suivons votre parcours depuis plusieurs années grâce à vos résultats remarquables que la Commune a reconnus lors des deux dernières cérémonies des Honneurs sportifs. Mais pouvez-vous nous rappeler le lien que vous avez avec la Commune et avez-vous une anecdote à nous raconter ?
Célia Dupré (CD): En 2014, ma famille et moi-même avons déménagé en Suisse, d’abord à Lausanne, puis à Genève au centre-ville, pour finalement poser nos valises à Plan-les-Ouates. C’est à cette période que ma détermination à participer aux JO a pris toute sa dimension.
En habitant à Plan-les-Ouates, je me suis éloignée du lac et de mon club d’aviron, ce qui m’a conduite à devoir trouver un autre moyen de m’entraîner au quotidien. J’ai installé ma « salle de sport » dans mon garage à côté de notre voiture, et je me suis imposée une rigueur, une discipline pour m’entraîner tous les jours.
En 2022, une rencontre allait rendre palpable mon rêve de participer aux JO. Pendant un entraînement dans mon garage, j’ai fait la connaissance de ma voisine qui m’a présenté son mari. En discutant avec lui, j’ai appris qu’il venait d’être médaillé olympique en hockey sur glace aux JO de Beijing. Il m’a laissé tenir sa médaille dans mes mains et j’ai immortalisé ce moment par une photo.
Cet instant suspendu dans le temps m’a complètement inspirée et j’étais encore plus déterminée à m’entraîner pour atteindre mon but. J’avais un exemple concret devant mes yeux et mon rêve devenait possible. Plus aucun doute ! Je me suis dit : « Célia Dupré, qui s’entraîne dans son garage, peut aussi aller aux JO si elle s’en donne les moyens ». C’est donc à Plan-les-Ouates que j’ai eu le déclic pour participer aux JO de Paris en 2024.
Pouvez-vous nous parler de votre plus grand défi pendant la période de préparation pour les JO ?
CD: J’étudie aux Etats-Unis et je suis une athlète de l’équipe suisse d’aviron. J’ai donc dû m’entraîner seule en hiver loin de mon équipe pour être en forme et prête à vivre cette expérience.
De plus, une des co-équipières du bateau qui s’est qualifié pour les JO de Paris s’est blessée, ce qui a généré beaucoup d’inquiétude au sein de l’équipe suisse. Elle était en effet une des plus performantes et nous comptions sur sa présence pour la réussite de notre parcours aux JO.
Comment avez-vous géré la pression d’un évènement aussi important ?
CD: Je ne suis pas une personne qui stresse, même si j’ai beaucoup de choses qui tournent dans ma tête. Quand je suis sur l’eau, tout se calme ! Je me focalise juste sur le moment, que ce soit lors d’un entraînement ou une compétition.
J’avais imaginé beaucoup de choses sur les Jeux Olympiques, mais quand j’étais dans ma ligne, j’avais face à moi les mêmes équipes, les mêmes athlètes que dans le cadre d’une autre course. Je me suis alors dit « C’est 2000m, comme à l’entraînement, alors GO ! Donne le meilleur de toi-même ». Avec l’équipe, nous ne nous mettions pas la pression. Notre mot d’ordre était « une course à la fois ». On avance juste avec un petit objectif par jour jusqu’au début de la compétition.
Quelles techniques utilisez-vous pour vous détendre et récupérer entre les épreuves ?
CD: C’est extrêmement important pour moi d’avoir un sommeil régulier. Ma journée commence à 6h15 et je m’endors à 21h, même les dimanches, pour pouvoir rester dans le rythme. Les entraînements sont toujours aux mêmes horaires. Le sauna et surtout les bains en eau froide ont des vertus sur ma santé mentale et physique. J’ai l’impression de renaître à chaque fois. Mon corps et mon esprit sont en phase et sont prêts pour de nouveaux défis.
Quel rôle a joué votre équipe, votre famille ou vos amis dans votre parcours vers les JO ?
CD: Le mental c’est mon point fort ! Les gens autour de moi disent que je suis une battante qui repousse sans cesse ses limites. Mes parents m’ont beaucoup soutenue, malgré le fait qu’ils soient séparés aujourd’hui. C’est grâce à ma maman que j’ai découvert l’aviron, et mon père vient à toutes mes compétitions.
L’équipe d’aviron suisse a été mon plus grand soutien et je peux dire aujourd’hui qu’elle fait partie de ma famille ! Partager des moments d’émotions fortes, parfois difficiles, des moments de doute, nous a permis de nous soutenir mutuellement. Avoir une équipe soudée est primordiale pour avoir un bon équilibre mental. J’ai confiance en moi mais j’avoue qu’ensemble on est plus fortes pour atteindre un but commun. J’ai rejoint l’équipe suisse d’aviron en 2018 et je peux dire que c’est ma plus grande fierté.
Quel message pensez-vous que ces JO ont véhiculé envers la société, notamment en termes d’inspiration pour les jeunes ou de valeurs du sport ?
CD: Il n’y a aucun autre moment au monde où tous les pays sont rassemblés au même endroit. Le sport rassemble et donne un message de Paix ! Une lueur d’espoir dans le chaos du Monde actuel. Aux JO, la Corée du Nord et la Corée du Sud ont mangé à la même table, dans le respect mutuel sans conséquence politique. Il n’y a que le sport qui puisse faire cela !
Que voudriez-vous dire à la nouvelle génération d’athlètes qui rêvent de participer aux JO?
CD: Dans la vie, il faut avoir confiance en soi et en ses rêves. Tout est possible du moment qu’on se donne les moyens d’y arriver. Un mental fort est essentiel à la réussite et le soutien des proches et de l’équipe qui nous entourent aussi. Il faut avoir un but, apprécier la routine que le sport impose, fréquenter les bonnes personnes, les bons coachs et avoir le bon équipement. Dans le cas d’un sport d’équipe, la bonne entente est primordiale au sein du groupe.
Et dans votre carrière, avez-vous eu des moments de doute ?
CD: En 2019, j’ai eu un grave accident de vélo qui m’a conduite à l’hôpital et j’ai dû subir plusieurs opérations chirurgicales. A ce moment, j’ai eu peur pour ma carrière car j’ai été coupée de l’équipe.
Trois jours après mon accident, j’étais à l’entraînement ! J’ai réalisé que ma détermination pouvait m’amener très loin. A partir de ce jour, ma devise a été « qu’importe ma situation, je sais que si je veux le faire, je vais réussir en me donnant les moyens » ! J’ai appris cela à travers le sport, mais je l’applique au quotidien dans ma vie de tous les jours.
Après cette 1e expérience pleine d’émotions fortes aux JO, vous semblez bien occupée ! Comment avez-vous géré l’après JO sur le plan sportif et personnel et quels sont vos projets ?
CD: Avant les Jeux Olympiques, on m’avait parlé de la dépression post JO et j’en avais très peur. J’ai donc anticipé et planifié des vacances pour pouvoir me distraire. Je suis partie faire un voyage de quatre semaines et demie pour découvrir quatre pays (Thaïlande, Vietnam, Indonésie et les Philippines) et gravir quelques sommets. J’ai pu passer mon examen de plongée et j’ai appris à surfer. De nouvelles expériences pleines d’adrénaline pour tourner la page des JO. Voyager seule m’a beaucoup appris et j’ai fait de belles rencontres. Pas de routine, pas de planification, juste vivre le moment présent.
Je suis maintenant de retour à l’Université de Stanford en Californie. J’ai encore trois années d’études pour finir mon cursus universitaire et obtenir mon Bachelor. J’enchaîne les cours et les entraînements au fil des jours. Les entraînements sont très différents de ce que j’ai pu vivre avec l’équipe suisse à huit durant les JO, car il y a de grands bateaux et une quarantaine de femmes.
Je verrai où tout cela me mène. Pour l’instant, je me focalise sur ces trois années d’études, mais j’ai dans l’idée de pouvoir participer aux prochains JO en 2028, à Los Angeles. Dans tous les cas, l’été prochain, je reprends les entrainements avec l’équipe suisse, c’est certain !
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes de Plan-les-Ouates qui souhaiteraient se lancer dans une carrière sportive ou aux habitants qui souhaiteraient reprendre une activité physique ?
CD: Plan-les-Ouates est un endroit propice pour pratiquer une activité physique : des espaces verts à perte de vue pour pratiquer le sport libre, des infrastructures diverses qui offrent une quantité de prestations sportives, des associations sportives qui proposent de faire du sport en équipe ou de manière individuelle, et des manifestations qui rassemblent la population autour du sport. A Plan-les-Ouates, tout est fait pour faire du sport ou reprendre une activité physique, il suffit de le vouloir et d’être déterminé à atteindre ses objectifs !
Le seul conseil que je peux donner, et qui m’encourage encore aujourd’hui, c’est de se donner de petits objectifs. C’est en effet de petites victoires qui mènent au grand succès.
Pour en savoir plus www.celiadupre.com
Copyright pour les photos Kevin Voigt